La place du tympan dans l'Histoire de l'art
Voir aussi : Des clés pour comprendre le tympan : le sésame |
Etude du tympan de Perse |
A la fois aboutissement d’une longue évolution, transition et rupture annonciatrice de l’avenir, cet ensemble unique fait de ce tympan un témoin exemplaire de ce qu’on a pu, à juste titre, appeler la Renaissance Romane du XIIe siècle. La profusion des figures, la complexité des scènes et leur combinaison thématique, la richesse des détails, l'extrême finesse de la réalisation de ce haut-relief, les inscriptions comprenant 12 vers léonins, les 40 personnages identifiables, constituent une composition holistique où s’imbriquent l’art, l’histoire et le sacré. Pour en souligner la singularité, nous proposons ici trois clés de lecture.
PREMIÈRE CLÉ DE LECTURE : UN TYMPAN HISTORIOGRAPHIQUE FONDÉ SUR LE TEMPS ET L'HISTOIRE
Objet idéal pour un cours d’histoire de l’art, le propos
du tympan a été lui-même conçu comme une leçon d’histoire, celle de l’Histoire
Sainte dans la perspective de son projet : l’histoire du Salut.
L’axe du Temps
Le temps est induit par le sujet : la Parousie et le Jugement de la Fin des Temps.
Bien sûr, les trois registres superposent et distinguent de bas en haut
le passé, le présent et l’avenir tout en introduisant des
passerelles et des télescopages. Mais bien plus, partout, chez les vivants
et les morts, pour les Eprouvés comme pour
les Elus, deux dimensions s’affrontent, se
confrontent, se superposent : le Temporel et l’Eternel. Entre les deux,
l’homme mortel et sa destinée immortelle. (1)
Un livre d’histoire
La quête du Salut est figurée comme une longue marche. Commencée
avec le périple d’Abraham, elle se poursuit sous la conduite de
Moïse. Les Prophètes et les Livres de l’Ancien Testament en
sont les jalons : c’est le temps de la Loi de Moïse.
Le cheminement se perpétue avec la Marche de l’Eglise, guidée
par Marie. La procession des croyants suit son chemin vers la destination finale
du Salut. La route est balisée par la Vierge Marie, saint Pierre (l'évêque
de Rome fondateur de l'Eglise), Dadon (le fondateur de l'abbaye de Conques),
l’Abbé actuel, les clercs, les Pères de l'Eglise (saint
Jérôme), les ermites (saint Antoine), les martyrs (sainte Foy)
et les apôtres (Marie de Magdala, « Apôtre des Apôtres »). C’est le temps de la Foi dont sainte Foy est le parangon.
Des symboles assurent l’articulation entre
les temps des Ancien et Nouveau Testaments : ce sont tantôt des objets
(les calices, les couronnes), tantôt des signes mnémotechniques
(les alignements de points), tantôt
des personnages emblématiques. Marie de Magdala figure parmi ces derniers.
Ultime personnage à notre gauche de la lignée de l'Ancien Testament,
elle se retrouve première à l’étage supérieur
de la frise de l’Eglise en marche, représentée dans la position
caractéristique de son « retournement ». Geste qui marque à la fois le changement et la continuité
du cours de l’histoire du Salut.
Marie de Magdala, porteuse de la Bonne Nouvelle, placée à l'extrémité nord des arcades de l'Ancien Testament |
La cohorte des Elus est agencée comme un calendrier historiographique et mnémotechnique qui s’étend ainsi du début
de l’ère chrétienne au jour présent de l’érection
du monument. Centré sur le personnage qui incarne l’Abbé
contemporain, le temps s’écoule à rebours de part et d’autre
jusqu’à la Résurrection du Christ, précisément
dans le sens inverse par rapport à Abraham, personnage lui aussi central,
placé exactement à son aplomb, à l'étage inférieur
(celui des temps bibliques), où les personnages les plus récents sont
placés aux extrémités. Il y a là comme un effet de miroir.
Des repères circonstanciés sont donnés du côté
des Elus comme du côté des éprouvés : on reconnait
Charlemagne, mais aussi Henri IV, Henri V et les armes nouvellement mises au
point (arbalète).
DEUXIÈME CLÉ DE LECTURE : UNE DIDACTIQUE DE POINTE
Comme le rappelle Michel Pastoureau (2), parallèlement aux dimensions cultuelles, liturgiques, eschatologiques, voire artistiques des tympans, qui sont particulièrement présentes dans celui de Conques, leur fonction essentielle est avant tout d'ordre didactique. Nous voudrions montrer qu'ici, une pédagogie savante mobilise de nombreuses ressources.
Pour clarifier le discours théologique et spirituel, guider le spectateur dans sa lecture, rendre visible l’invisible, l’artiste jongle avec l’image et le texte. Il suit un modèle et a recours à un certain nombre de procédés, de techniques, d’artifices qui relèvent non seulement de l’art de la statuaire, mais aussi de divers champs esthétiques et intellectuels, tels que l’architecture, la théologie, la poésie, le théâtre, voire la physiologie, la psychologie ou la sociologie…
Une pédagogie fondée sur l’architecture et la mémoire :
Les Bénédictins qui ont conçu le tympan maîtrisaient
parfaitement les méthodes pédagogiques de l’Ars Memoriæ,
recommandé par le Didascalicon de Hugues de Saint-Victor. Le schéma
de base est celui de la maison, depuis ses fondations jusqu’au faîte.
C’est précisément le plan d’ensemble du tympan avec
ses portes et fenêtres, ses salles, couloirs et passages, ses étages,
ses colonnes et péristyle, ses toitures et son échelle céleste suggérée par la croix glorieuse qui traverse les niveaux…
En outre, le maître du tympan a recours aux aides mnémotechniques,
ces signes graphiques sous forme de croix et d’alignement de points qui
marquent les paragraphes, les articulations, la continuité ou le changement
de sujets et que l’on peut suivre comme un fil d’Ariane. Pétris
de Quintilien, de Vitruve, de Cicéron et de culture latine, les moines
bénédictins de Conques transposent au tympan les schémas
de la pensée de l’école monastique, bien vivante au sein
de l’abbaye. Sur ce tableau noir lapidaire, ils nous permettent d’assister
en direct à une leçon magistrale.
Le sculpteur se fait architecte. Autant il associe le fond et la forme, autant il transpose l'intérieur de la maison à sa façade. Par exemple, les sept scènes de l'Ancien Testament du registre inférieur correspondent aux sept absides et absidioles, ainsi qu’au plan de la croisée de transept.
Correspondance rythmique entre l'intérieur et l'extérieur de la basilique |
Le théâtre :
Conques dresse les tréteaux de l’histoire où
se joue le « Mystère » de la destinée. C'est du grand spectacle. Les scènes
historiées présentent au public une intrigue dramatique où
le Diable et le Bon Dieu se disputent l’âme humaine.
Des personnages nouveaux entrent en scène et font progresser d’acte
en acte le procès, avec tous les rebondissements d’un jugement,
avec ses prévenus, l’accusateur, les avocats de la défense,
le juge et le verdict : c’est Satan et Marie, la balance et les serpents,
les seigneurs, les Rois et les clercs dévoyés, personnages emblématiques
qui seront à l’origine de tous les Jugements derniers à
venir.
Un « Opera Mundi », se projette sur le portail de la Maison de Dieu, avec son décor d’emblèmes, de costumes, de personnages grotesques ou admirables, d’hommes et de femmes, d’anges et de démons. La voix humaine de l’orateur scandant les vers léonins du livret et donne à l’image la scansion, le souffle, la poésie, le verbe. Cette « liturgie dramatique » va donner naissance, ici même, au parvis de la basilique, les « mystères » médiévaux.
L’écrit, de la littérature
à la « B. D. » :
Un genre nouveau est né : l’écrit lié à l’image. Phylactères,
banderoles, bandeaux gravés font parler la pierre. Conques
présente une première : la « bande dessinée » élevée au rang d’œuvre
d’art et mise au service de la vulgarisation. Le texte introduit la
littérature : sous cette « Bible de pierre », Virgile, Cicéron et la
Geste Carolingienne transparaissent en filigrane. Cerbère, Tisiphone et
le Tartare mêlent au souvenir de l’Enéide les héros des temps modernes,
Charlemagne et Guillaume au Court Nez. Si les allusions aux mythes
antiques intègrent Charon, Cerbère et la balance d’Osiris, les saynètes
historiées demeurent accessibles à tous, clercs et illettrés.
La sociologie :
La pensée monacale véhicule un discours théologique, bien
sûr, mais aussi une analyse de la société contemporaine,
marquée essentiellement par deux grands évènements au sein
de la société féodale et de l’Eglise : la Réforme
Grégorienne et la Querelle des Investitures qui en découle. Les
moines ne sous-estimaient pas la dimension collective de la quête du salut
: aussi c’est toute la société du XIIe siècle qui est représentée, comme saisie dans l’instantané du moment
crucial de la Parousie. Arrêt sur image : cotte de mailles du chevalier
félon, arbalète excommuniée, creuset du batteur de monnaie -véritable
suppôt de Mammon-, crosse brisée de l’évêque simoniaque, hérésiarque
décharné, roi nu et découronné, génuflexion inversée... Chacun était à
même de mettre un nom sur ces personnages, et sur les maux dont ils
sont les auteurs.
Dans l’esprit de l’Evangile l’argent est condamné :
il est présent à tous les étages des Tartares, de la bourse
de l’avare à la vente des sacrements par l'évêque simoniaque en passant par le marchand
et le monnayeur. Nous sommes au temps de l'essor urbain, du développement
des foires, du négoce, de la monnaie et du contrat écrit qui lie
les deux parties.
Au-delà du choix des personnages, c’est aussi la hiérarchisation des
péchés qui fait sens : elle s’élève de l’individuel au collectif,
autrement dit de l’ordre privé à la sphère sociale ; elle
s’amplifie de l’avoir au pouvoir puis au savoir. Elle s’aggrave
également latéralement, au fur et à mesure que l’on s’éloigne du Christ
central en s’enfonçant dans les ténèbres.
Mais il y a d’autres messages comme la solidarité des pécheurs et des élus (intercession) ou la gémellité des personnages qui renvoie à leur pariage. Nous sommes en effet au temps de la société féodale fondée sur les liens d’homme à homme, l’allégeance du vassal au suzerain, sur le pacte d’amitié entre pairs unis par la parole du serment. Citons par exemple les couples de Charlemagne guidé par l’Abbé ou de Louis le Pieux et Guillaume au Court Nez. Les Prophètes sont toujours présentés par paire (Zacharie et Melchisédech, Jérémie et Ezéchiel), tout comme les Reines vétérotestamentaires (Esther et la Sulamite). Ce dernier binôme revêt d'ailleurs une triple signification, selon le principe de la polysémie, avec l'analogie des Reines, des Matriarches (Sarah, Rébecca, Rachel qui non seulement répondent aux trois Patriarches Abraham, Isaac et Jacob, mais aussi préfigurent Marie) et renvoient à la parabole des Vierges Sages (3) et bien sûr aux saintes Femmes myrophores portant onguents et aromates au Saint Sépulcre... (Cf. Marie de Magdala)
Reines, Matriarches et Saintes Femmes |
En vis à vis, nous trouvons Henri IV
et son fils, les tandems des démons et des éprouvés, ou encore
l'alliance bestiale de l’homme avec le lièvre, le crapaud ou le serpent.
TROISIÈME CLÉ : DIALECTIQUE SPATIALE
La géométrie
et la construction spatiale de l'ensemble du tympan et de plusieurs de
ses éléments contribuent elles aussi à exprimer de façon claire et
concise le message théologique.
Très concrètement, l’abstraction théologique de la Miséricorde est souvent résumée par des figures géométriques (comme le triangle de l’écoinçon de sainte Foy), des règles géométriques (la symétrie) ou des lignes géométriques (telles les deux diagonales majeures).
Dans une remarquable économie de moyens, le triangle de l’écoinçon de sainte Foy prosternée devant la main de Dieu exprime deux mystères fondamentaux du christianisme : celui de la Trinité et celui du salut par la foi.
La fillette martyre symbolise la Foi. Pour la pensée monacale, si les
œuvres nous perdent, c’est la foi qui nous sauve : foi en la personne
du Christ, le Saint Sauveur qui ne condamne pas, mais qui gracie le
pécheur.
La Trinité divine est suggérée par trois éléments
: la main du Tout-Puissant, les ondes de l’Esprit divin et le nimbe
crucifère du Christ.
La main de Dieu, le nimbe crucifère du Fils et les ondes spirituelles : l'image de la Trinité
(Survolez l'image pour visualiser les détails)
La main du Très-Haut s'avance vers le front
de la sainte mais elle ne le touche pas.
La comparaison avec la création d’Adam de Michel-Ange est intéressante,
tant pour les ressemblances que pour les différences de la
représentation de la Main de Dieu qui symbolise la puissance du
Créateur. A la chapelle Sixtine, Michel-Ange respecte bien comme à
Conques l'espace irréfragable entre Dieu et l'homme. Mais la différence
est grande quant au style et au contenu : la composition de
Michel-Ange est représentative du réalisme humaniste d'un dieu très
humain ; au contraire, le tympan roman s’en tient dans ce domaine
à l’épure symbolique. L'espace irréductible entre Dieu et l'homme est
investi à Conques par le Christ, suggéré par le nimbe crucifère qui
effleure la tête de la sainte, pour signifier qu'il relie Dieu à
l'humanité. Dans ce sommet du triangle, trois symboles sont
concentrés : puissance paternelle, médiation du fils et figuration
du Saint-Esprit
Selon le principe binaire de la symétrie et du jumelage, cet écoinçon trouve son pendant symétrique dans l’écoinçon de la résurrection des élus, manifestant ainsi le lien logique de cause à effet, la foi assurant le Salut.
En face, du côté du Tartare, les deux écoinçons symétriques inverses évoquent la perte de la foi avec l’apostat, le suicidaire et le moine blasphémateur.
La diagonale qui passe par les deux mains ouvertes du Messie, prend naissance dans les ondes verticales du Père, et aboutit sur la tête de l’homme placé sous les pieds de Satan. De ce fait l’homme se redresse, restauré par les grâces divines déversée vers le Tartare ; « là où le péché abonde, la grâce surabonde », selon la pure doctrine paulinienne et augustinienne d’un salut universel. La pastorale des moines de Conques n’est pas celle de la peur, mais de la Joie, au point de faire du Tartare une grâce, source d’espérance en la miséricorde divine. (voir la note sur l'originalité théologique du tympan à propos de la question du Salut)
La diagonale de la Grâce assurant la restauration des éprouvés du Tartare |
La diagonale symétrique inverse est également présente. Partant des ondes divines et passant par la main gauche du Christ, elle aboutit, ce n'est pas un hasard, à la porte du paradis.
Toute la composition n’est plus alors qu’une grande fresque en
mouvement. Une représentation dynamique du drame de l’humanité jouant
sa destinée à travers sa condition humaine soumise d’une part aux
pesanteurs de la nature (la mort inéluctable), de la nécessité (la
faim, le travail…), de la société (le pouvoir, l’avoir…), de la
tentation (l’envie, l’abus, la violence…) et d’autre part libérée par
la grâce de l’Esprit. L’opposition spatiale des deux volets situés à la
droite et à la gauche du Christ évoque clairement les deux forces
antinomiques qui sont aux prises dans la destinée humaine : le Bien et
le Mal.
Mais l’analyse révèle que la dichotomie est bien plus
subtile ! A la droite du Christ, du côté des Elus on trouve bel et bien
des pécheurs notoires : saint Pierre le renégat, Dadon le matricide,
Charlemagne l’intempérant ; tandis qu’au fond du Tartare, on trouve
plusieurs homme d’Eglise (un pape, un évêque, des moines et des
clercs). Mieux, on y découvre un homme « restauré ».
On voit en outre très clairement des transfuges : une âme destinée au
Purgatoire est soustraite par un ange à la gueule de Cerbère ! Loin
d’être une vision manichéenne, le tympan de Conques introduit un jeu
dynamique entre le Péché et la Grâce.
DYNAMIQUE SPATIALE
La dynamique du mouvement est une autre caractéristique notable du tympan : on remarque tout d'abord le grand mouvement transcendantal qui descend verticalement du sommet de la Croix glorieuse à la pesée des âmes en passant par le Rédempteur et la progression de la colonne de l'Eglise en marche qui progresse vers le Christ, tandis que les hommes du Tartare des vivants s'en éloignent. Nous avons aussi mis en exergue les deux diagonales de la Grâce, issues des ondes divines du sommet et qui aboutissent l'une à l'homme restauré et l'autre à la porte du paradis en passant par le Christ médiateur. Nous avons repéré les signes mnémotechniques (3 points, croix) qui indiquent enchaînements logiques, liaisons et direction à suivre. Nous avons suivi les passages aménagés à travers les séparations qui subdivisent le tympan (la Croix qui ouvre le Ciel sur la terre, la faille des hérésies, les portes, etc.) qui permettent une circulation : une âme qui choit dans l'antre de Charon, une autre enfournée dans la gueule de Cerbère tandis qu'une troisième est soustraite subrepticement par un ange. Les genoux de saint Antoine tremblent, les morts sortent de leur tombeau, Marie de Magdala se retourne, le fléau de la balance oscille, les ondes vibrent et les diables gesticulent. Bref, tout bouge et s'anime sous nos yeux.
Cette “bande
dessinée” de pierre, comme on l'appelle souvent,
utilise des procédés quasi cinématographiques
pour suggérer le mouvement et le temps. C'est par exemple
le cas dans la scène où des anges ouvrent le cercueil
des élus pour les accueillir dans les Demeures. Le couvercle de la tombe étant davantage soulevé au fur et à mesure que la séquence se déroule et que l'espace alloué à l'écoinçon s'élargit. |
HYPOTHÈSE SUR LA DATATION DU TYMPAN
Cette rubrique fait l'objet d'une nouvelle page à consulter ici.
Nous laisserons aux historiens de l'art le soin de nourrir le débat sur la préséance discutée du tympan de Conques sur les portails de Saint-Jacques de Compostelle, ou encore sur la question de déterminer si Conques a influencé ou été influencé par le style auvergnat. (4)
CONCLUSION
En résumé, un grand effort conceptuel sous-tend l’ouvrage, pièce
maîtresse de la pastorale d'une religion qui s'appuie sur les images.(5)
Le délicat problème de la représentation d'un homme « fait à l’image et
ressemblance de Dieu », trouve une solution remarquable par son
originalité, par sa nouveauté, par la profondeur et la variété de ses
sources, unies dans une composition harmonieuse et ordonnancée selon un
plan logique. Unifiant l’Esthétique, l’Histoire et le Sacré, le tympan
de Conques marque bien une étape dans l’histoire de l’art roman,
héritier d’une culture, mais aussi porteur des germes de toutes les
Renaissances à venir. Le tympan est une œuvre savante, dans sa
composition d'ensemble, comme dans le moindre détail. Elle est le fruit
d'une profonde réflexion de bénédictins érudits, plein d'humour et
d'espérance et fervents défenseurs d'une théologie de la rédemption.
Nous sommes aux antipodes d'une vision grossière de moines ignorants
pétris de siècles d'obscurantisme stigmatisés par les grands esprits de
la renaissance et des Lumières.
En introduisant dans l’art tous les instruments intellectuels dont l’homme
est doté, Conques en dresse un portrait à « l’image
et ressemblance de Dieu » représenté en la personne du Christ,
incarnation de l’Esprit dans le cours du Temps et de l’Histoire.
A tous ces titres, Conques est exemplaire.
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(1) Le tympan peut aussi se décrypter selon les trois types de temps de la chrétienté médiévale : le « temps eschatologique », celui de la marche du Salut vers le Jugement dernier est bien sûr le plus prégnant. Mais le « sanctoral » ou temps linéaire jalonné par la vie des saints, est évoqué par le classement chronologique des saints. Enfin, le « temporal », le temps cyclique de la liturgie, plus discrètement présent, transparait à travers l'évocation de l'eucharistie. Ainsi le tympan de Conques vise à inscrire la question du Salut dans la marche du temps, en vue de faire du destin une destinée. (Remonter au texte)
(2) Michel Pastoureau, Tympans et portails romans, Seuil, 2014. (Remonter au texte)
(3) Mt 25 ; 1-13 (Remonter au texte)
(4) Voir la bibliographie fournie par Lei Huang :
- Bouillet, A. (1893) : “Sainte-Foy de Conques, Saint-Sernin de Toulouse, Saint-Jacques de Compostelle”, Mémoires de la
Société nationale des Antiquaires de France, LIII, 117-128.
- Deschamps, P. (1923) : “Notes sur la sculpture romane en Languedoc et dans le Nord de l’Espagne”, Bulletin monumental, LXXXII, 305-351.
- Porter A. K. (1923) : "Romanesque Sculpture of the Pilgrimage Roads", Boston. (Lire en ligne)
- Bréhier, L. (1924) : “L’école romane de sculpture auvergnate et le portail de Conques-en-Rouergue”, in : Actes du Congrès d’histoire de l’art, organisé par la Société de l’histoire de l’art français, Paris, 26 septembre-5 octobre 1921, vol. III, Paris, 464-
478.
- Deschamps, P. (1941) : “Étude sur les sculptures de Sainte-Foy de Conques et de Saint-Sernin de Toulouse et leurs relations avec celles de Saint-Isidore de Léon et de Saint-Jacques de Compostelle”, Bulletin monumental, C, 239-264. (Remonter au texte)
(5) Les « images sont comme des livres pour les laïcs [...] et Jacques de Voragine n'oublie pas que le christianisme emploie les images, s'appuie sur elle, est une religion des images. » Jacques Le Goff, A la recherche du temps sacré, Perrin, coll. tempus, 2014 pp 229-230. (Remonter au texte)
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