Les suffrages miséricordieux de sainte Foy
Le culte des saints est
lié à la pratique des suffrages* en faveur des morts.
- L’hagiographie qui relate la Translation furtive des reliques de sainte
Foy d’Agen à Conques, conclut son épilogue
par une supplique à sainte Foy, la libératrice des
prisonniers, qui peut même délivrer des flammes infernales
:
« Ô vous qui n’avez eu d’autre pensée ici-bas que de plaire à notre doux Sauveur, [...] implorez auprès de sa miséricorde le pardon de nos péchés, et au jour du jugement suprême, désarmez, par vos supplications, le courroux du souverain Juge et inclinez son cœur à une mansuétude et à une miséricorde infinies. Délivrez-nous, par votre intervention, des flammes éternelles de l’enfer, obtenez-nous d’être admis en votre société et en celle des autres saints, et d’y jouir de la félicité sans fin du paradis. » (in Bouillet –Servières, Sainte Foy Vierge et Martyre, Rodez, 1900, p. 714)
- La liturgie de la fête de sainte Foy comporte, dans l’office
propre à l'abbaye de Conques, l’antienne
suivante :
« Fac orando ne tradamur
Ignibus Tartareis,
Cum frumentum justus judex
Dividet a paleis »
(Fais que par nos prières,
nous ne soyons pas soumis aux flammes du Tartare, et que le Juge équitable
sépare le froment de la balle. Bouillet-Servières, op.
cit. p. 636).
- Le recueil de La Bibliothèque Humaniste de
Sélestat contient au folio 2 un chant liturgique où l’on
relève les prières d’intercession, avec les mêmes
termes :
« Intercède pour nous auprès de Jésus
Christ que nous méritions d’être admis avec toi au céleste
palais. Par ta prière obtiens qu’on ne nous livre pas aux flammes
du Tartare, froment que le juge équitable vient séparer
des brins de paille ».
C'est bien en position d'orante, intercédant pour les défunts,
que sainte Foy est représentée mains jointes dans son écoinçon.
La proskynèse (ou prosternation) de sainte Foy en prière d'intercession
Dans le calendrier chrétien,
il y a un jour de l'année où les défunts peuvent
bénéficier des prières d'intercession ou suffrages
: c'est précisément le rôle de la fête
des morts, imaginée par les Bénédictins
de Cluny. Cette célébration, au lendemain de la Toussaint
constitue un pas vers le concept de purgatoire alors encore en gestation
: "ce furent les abbés clunisiens qui inventèrent
de réunir le 2 novembre en une seule liturgie la commémoration
de tous les trépassés. Ils affirmèrent que l'âme
en peine pouvait se libérer plus tôt des tourments de l'au-delà
si on ordonnait à son intention les prières prescrites"
(Georges DUBY, L'art et la société. Moyen-âge
- XXe siècle, Quarto Gallimard, 202, p. 636).
On pourrait dire en considérant le mécanisme de solidarité entre les vivants et les morts que le système des suffrages, intimement lié au concept de purgatoire, constitue une sorte de "réseau social" de l'époque médiévale.
N.B. A propos de sainte Foy, voir aussi les reliques et le culte.