Le tympan de Perse

Perse, ancienne église paroissiale d'Espalion (Aveyron), dans la vallée du Lot, est un prieuré dépendant de l'abbaye de Conques, situé sur la via Podiensis, le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle partant du Puy.
Cette église,
d'abord dédicacée à sainte Foy, puis à saint Hilarian (1), présente un tympan particulièrement original et intéressant.

Le tympan de Perse L'homme restauré St. Jacques (IACOBVS) Les dix Apôtres Le Christ entouré du tetramorphe symbolisant les  4 Evangélistes (l'Aigle, l'Ange, le Lion et le Taureau) Le Léviathan  avalant ou plutôt recrachant une âme Satan entourré du tétramorphe diabolique composé de 4 bêtes La pesée des âmes St. Pierre La Vierge Marie couronnée L'ange et son compas de la mesure et de la division St. Jean La Lune L'Esprit, symbolisé par la Colombe et les langues de feu Le Soleil

Le tympan de Perse (Sce. : Wikipedia) Survolez l'image pour afficher les légendes et visualiser les détails
(voir une image haute résolution   issue de l'Album Flickr de Carole Lemeure)

Un tympan victime d’une bévue et de psittacisme
Depuis le milieu du XIXe siècle, il fut à la fois fort peu étudié et catalogué comme une représentation naïve de la « Pentecôte » (en raison de la colombe et des langues de feu descendant sur les apôtres), alors que nous pensons qu'il s'agit de la première effusion de l’Esprit, cinquante jours plus tôt, le soir même de la Résurrection où les disciples étaient rassemblés toutes portes closes : le Christ, triomphant de la Mort, est remonté du royaume souterrain, mais n'est « pas encore monté vers [son] père ». (Jn 20 : 17)
Du fait de cette méconnaissance du vrai sujet, l’œuvre a été considérée comme secondaire et maladroite, en raison de l’apparente inadéquation des images à une prétendue Pentecôte.

Le mystère du tympan (enfin) percé

Première énigme : pourquoi seulement dix apôtres ?
Que de balivernes n'a-t'on pas dit au sujet de cette contradiction : le sculpteur dans son incroyable maladresse n'aura pas laissé assez de place pour caser les douze apôtres, ou pire : il ne savait sans doute pas bien compter dans ce moyen-âge obscur et ignorant !
Le nombre d’apôtres représentés n’est ni fortuit ni erroné.
Dans les représentations de la Pentecôte, comme au tympan de Vézelay, on retrouve toujours rassemblés autour de Marie douze apôtres (2) qui reçoivent l’Esprit sous forme de langues de feu (parfois symbolisé par une colombe). Mais il y a d’autres scènes où leur nombre se limite volontairement à dix, comme aux tympans de Perse ou de la cathédrale de Cahors (3).
Il y eut en effet un temps, cinquante jours avant la Pentecôte, où les apôtres réunis au Cénacle autour de Marie étaient au nombre de dix et reçurent le premier souffle de L’Esprit : c’était au soir même de Pâques, jour de la Résurrection, Judas s’était pendu et Thomas était absent. La scène est rapportée par saint Jean qui en fut le témoin direct : « Donc, le soir de ce même jour, le premier de la semaine, […] Jésus vint et se tint au milieu d’eux […] il souffla sur eux, et il leur dit : "Recevez l’Esprit saint, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez" » (Jn 20 : 19-24).

A Perse, cette représentation de la première effusion de l’Esprit est donc plus une évocation du jour de la Résurrection qu'une illustration de la Pentecôte.

Deuxième indice : la gerbe tenue dans les mains du Soleil
Un indice supplémentaire suggère que la scène représente le jour de Pâques. Le soleil est représenté par un personnage masculin portant une gerbe : c’est une référence directe au Lévitique (Lv 23 : 5-9) lequel précise que la première gerbe de la moisson d'orge qui s'annonce sera offerte à Dieu, dès le lendemain du sabbat de Pessah, c'est à dire précisément le dimanche de Pâques. Cette fête inaugure le décompte de l'omer, sept semaines avant Chavouot, la fête des Prémices ou des moissons qui correspond à la Pentecôte des Chrétiens. Le symbole du bon grain jeté en terre, qui meurt et porte beaucoup de fruits est repris par le christianisme (Cf. Jn 12 : 20-33), comme une image parlante de la résurrection.

les Prémices
Le Soleil pascal et l'offrande de la première gerbe

la Lune
La Lune
On sait d'autre part que la fête de Pâques (Pessah) est déterminée par le cycle lunaire. Or la lune, personnifiée par une femme surmontée d'un croissant, apparait précisément, dans une autre imago clipeata, dans un disque aux rayons moins marqués. (4)

Organisation spatiale

Le tympan de Perse, comme beaucoup, est structuré par trois registres superposés :

- au niveau supérieur, le Ciel peuplé des Nuées, du Soleil, de la Lune, de la Colombe de l'Esprit Saint et de Langues de Feu qui rayonnent vers les Apôtres (5)

Le Ciel
Registre supérieur : le Ciel

- au centre, les Vivants illustrés par dix Apôtres porteurs de phylactères, dressés hiératiquement. Ils encadrent Marie, couronnée et placée au centre, faisant de sa dextre le geste de la foi (le "Fiat") tandis que sa main gauche, posée sur le ventre, suggère sa Conception spirituelle, selon un geste fréquent dans l'iconographie médiévale catalane (6) ;

Perse
Marie, identifiable à son voile et à  sa couronne, une main levée en signe de foi, l'autre posée sur son ventre Registre médian : le monde terrestre des témoins de la scène

effusion de l'Esprit Marie, identifiable à son voile et à  sa couronne, une main levée en signe de foi, l'autre posée sur son ventre
L'effusion de l'Esprit

- au niveau inférieur, une profusion de scènes anime le royaume des Morts :

- au centre, de la pesée des âmes (avec, comme à Conques, un diable vainement tricheur) ;
- à l'extrémité occidentale (à notre gauche), l'Enfer avec Satan siégeant sur son trône, un serpent enroulé sur ses jambes, encadré de quatre bêtes (un hibou à 2 aigrettes, un centaure, un dragon aux dents acérées et un porc au groin proéminent qui dévorent des âmes) composant un tétramorphe parodique. A côté, la gueule grande ouverte du Léviathan marque l'entrée du monde infernal.

Tétramorphe diabolique    La catabase du Christ

- plus surprenant, à l'extrémité orientale de ce même registre, tout à droite, voici la résurrection triomphale du Christ. On pourrait s'étonner de trouver cette scène placée ici, sur le même niveau que l'enfer. Mais,comme il s'agit de Pâques, c'est le Christ descendu aux enfers et ressuscité des Morts qui est là. Nous trouvons donc ici une très rare représentation du Christ au royaume des morts (Catabase) (7). Assis sur son trône glorieux, il est encadré par le tétramorphe des quatre Evangélistes.

Registre inférieur : les mondes souterrans Le tétramorphe diabolique Le Léviathan recrachant une âme La psychostasie Mandorle du Christ encadrée par le Tétramorphe des Evangélistes
Registre inférieur : les mondes souterrains et la catabase du Christ (survolez l'image pour afficher les légendes)

 

- Entre ces trois scènes, les défunts sont représentés pêle-mêle, jetés en tous sens, émergeant de leur sarcophage, les uns emportés par les démons et les autres élevés par les anges, certains couchés, d'autres debout, quelques-uns sculptés tout entiers, d'autres réduits à leur seule tête empilées les unes sur les autres.
L'homme jugé sous la flèche de la balance est mis en valeur par son visage en gros plan, le regard fixé vers le Christ, et constitue l'élément stable dans un environnement animé. Ici tout bouge, sort, tombe, s'envole, est avalé ou recraché tandis qu'au centre, cet homme restauré envisage sereinement son salut. Un homoncule symbolise l'âme s'élevant vers le Ciel.

La psychostasie Le sarcophage L'ange au compas    La psychostasie de Perse Le sarcophage L'ange au compas un élu Un élu
La pesée des âmes (psychostasie) l'homme restauré et l'homoncule s'élevant vers le ciel
Survolez l'image pour afficher la légende

L'Enfer Les démons emportent les âmes  condamnées Le Léviathan, gardien des portes de l'enfer Satan et son tétramorphe parodique
Le monde infernal de Satan

Cette répartition en trois registres superposés (le ciel ; le monde des vivants ; le monde inférieur des morts) est classique, comme à Conques par exemple.
Yves Christe la signale déjà dans un manuscrit grec du VIe siècle (manuscrit 699 conservé au Vatican) représentant l'organisation spatiale d'un Jugement dernier : « en haut, le ciel supérieur […] [où] le Christ, dans une mandorle, bénit de la main droite, un codex dans la main gauche. Au second registre, les anges […] [et au-dessous,] les hommes, sur la terre. [Enfin, au registre inférieur,] les morts réduits à un simple buste. Deux inscriptions précisent qu’ils sont "sous la terre", même s’ils ont été ramenés à la vie "anistamenoi". » (Yves Christe, Jugements derniers, chap. Le Jugement dernier dans l’Art Byzantin, p 25-26). (ανισταμενοι : impénitents)

Ce tympan qui parait naïf, recèle cependant des trésors de subtilité et des énigmes dont nous aimerions donner ici un très rapide aperçu.

Sens spirituel de l'agencement spatio-temporel

En général, dans les tympans, le Christ est représenté dans les registres supérieurs, celui du Ciel pour les Jugements derniers, ou encore celui du milieu, le monde terrestre, pour signifier son retour sur la terre lors de la Parousie. Ici, à Perse, le Christ se trouve relégué dans le registre inférieur, celui des morts, bien qu'il soit ressuscité. Yves Christe, encore une fois, nous donne l'explication de ce paradoxe dans son analyse du manuscrit 699 : « On doit constater, ce qui n’est pas anodin, que ces ressuscités sont toujours sous la terre, […] image de ce monde avant la Parousie ; les morts sous la terre étant une figure des âmes des élus, qui par avance, par la première résurrection, participent déjà à une forme de félicité paradisiaque. » (Yves Christe, op. cit. p. 26). Cette situation des élus, demeurant sous terre jusqu'au jour du jugement dernier, n'est pas très éloignée du concept de purgatoire. Et Yves Christe de poursuivre : « S’il est vrai qu’il faut écarter cette illustration du répertoire strictement réservé au Jugement dernier, il convient surtout d’y reconnaître un essai de figurer le statut de bienheureux avant la consommation des siècles, avant que le jugement universel ne vienne sanctionner un état de fait, de droits acquis, dirait-on aujourd’hui, à l’instant même de la mort, du Jugement particulier de chacun. » (Yves Christe, op. cit. p. 26). (Un commentaire qui pourrait d'ailleurs parfaitement s'appliquer au tympan de Conques.)

Outre sa position originale sur le plan vertical, le Christ de Perse occupe une place atypique sur le plan latéral. La plupart du temps, le Christ en gloire siège en position centrale. Les élus se tiennent à la droite du Seigneur. L'autre coté (la partie droitd du tympan selon le point de vue du spectateur), est occupé par l'Enfer (ou par les Tartares à Conques), placé ainsi à la gauche du Christ. Or, ici à Perse, la position du Christ est totalement excentrée, humblement placée à l'extrémité droite c'est à dire orientale du tympan. Cette position est unique, mais hautement symbolique (8). En positionnant le Christ du côté du chœur, du Levant, de la lumière du soleil levant du matin de Pâques, de la Résurrection, ne veut-on pas suggérer que Jésus est mort, descendu aux Enfers et ressuscité ? (9) A l'opposé, Satan se trouve rejeté du côté du couchant, de l'ombre.

Le sens eschatologique du miroir
L'inversion de l'agencement latéral habituel (ici le Christ au royaume des morts à droite, l'Enfer à gauche, donc le contraire de Conques) fonctionne comme un effet de miroir et n'est certainement pas fortuite : elle est réitérée dans la disposition des quatre symboles du tétramorphe encadrant la mandorle christique : l'aigle et le taureau sont placés à la droite du Christ (à notre gauche), le lion et l'homme à sa gauche, contrairement à la plupart des représentations classiques. Le Christ, lui se présente en version directe et nous bénit de sa dextre. Ainsi deux représentations du temps se superposent dans cette composition : d'une part un temps présent où l'image du monde, le "speculum mundi" si commun à l'époque nous apparaît inversée à travers le miroir, et d'autre part, l'Eternel, le temps du Jugement dernier où le Christ apparaîtra "face à face", comme l'annonce saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens. (10)
Signalons que la main gauche du Christ tient un livre, la Bonne Nouvelle, posé sur son genou.

  Le lion (Marc) Le lion (Marc) Le tétramorphe Le lion (Marc) L'homme (Matthieu) Nimbe crucifère Le taureau (Luc) L'aigle (Jean)         Tétramorphe classique Le taureau (Luc) Le lion (Marc) L'aigle (Jean) L'homme (Matthieu)
Le Christ en Gloire encadré du Tétramorphe
(à Perse à gauche en disposition inversée par rapport à l'ordre traditionnel présenté à droite sur un coffret rhénan du XIIIe s. exposé au Musée National du Moyen-Âge, Hôtel de Cluny)

Les âmes sont-elles happées ou recrachées par le Léviathan
?
Le tympan de Perse comporte une autre différence fondamentale avec la représentation classique des proies avalées par le monstre gardien de la porte des enfers. Presque toujours, pour représenter la dévoration des âmes damnées, le corps des défunts est représenté à demi englouti, inerte, les jambes pendantes comme il sied pour un mort. C'est le cas bien sûr à Conques pour le défunt avalé par Cerbère. Mais à Perse, le personnage est entier, bien vivant, la taille cambrée, les bras tendus, les jambes jetées en l'air ; il est comme projeté vers l'extérieur, vers le ciel. Ainsi ce ne serait pas une dévoration, mais une expulsion, un vomissement hors du dragon. Cette scène étrange n'est pourtant pas unique dans l'iconographie médiévale, nous rappelle Yves Christe. (11)
(voir les illustrations)
Le Léviathan, recracahnt une âme

Cette scène constitue une indication supplémentaire qui confirmerait que, pour la civilisation romane, l'enfer n'est pas clos, et que les âmes purifiées et "restaurées"* peuvent quitter le Tartare purgatoire bien avant le Jugement dernier pour l'Eternité. Ainsi on comprendrait mieux la présence au royaume des Ténèbres, d'hommes et de femmes au visage serein, comme dans le Tartare de Conques. Nous avons évoqué l'homme restauré placé sous le fléau de la balance, dans l'axe central du tympan de Perse. C'est peut-être aussi le cas des deux visages féminins placés à la droite de Satan mais restaurés dans leur beauté première dirait saint Anselme. Ici aussi il s'agirait alors plus d'éprouvés que de damnés.
L'homme restauré L'homme restauré L'âme représentée sous forme d'homoncule
L'homme restauré avec son âme qui s'élève au-dessus de lui
femmes Femme restaurée Le crocodile Femme restaurée le porc Satan Le centaure le hibou
Les femmes restaurées aux pieds de Satan encadré du tétramorphe parodique
On remarquera que le plateau de la balance, sous le poids des grâces du Christ, penche du bon côté, et non du côté de Satan malgré la ruse d'un diable à gueule de chat ou plutôt, selon l'iconographie médiévale, de renard maléfique qui appuie de toutes ses forces de son côté. Nous retrouvons exactement le même schéma ici et à Conques.

En contre-poids, un ange tient le compas et l'équerre. Symboles du cercle (l'esprit et la perfection céleste) et du carré (la matière et la réalité terrestre), ce sont des instruments de mesure ("Tout sera mesuré") et de division. Division entre l'âme et le corps mais aussi entre élus et éprouvés. Cependant, la forme du compas revêt peut-être aussi un sens polysémique car il évoque aussi une pince, celle qui tient le tison ardant déposé par un ange sur les lèvres du prophète Isaïe pour écarter ses fautes et expier ses péchés. (12) (voir une illustration)

psychostasie


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le compas

Nous vous invitons maintenant à poursuivre l'exploration de ce tympan par une réflexion sur ses sources d'inspirationet son analyse esthétique. Lire la suite


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(1) Hilarian est un martyr local, saint céphalophore, qui a eu la tête tranchée par les Sarrasins pendant qu'il officiait en son église de Perse. La tradition veut qu'il ait porté sa tête à la fontaine de Fontsange réputée depuis miraculeuse. (Remonter au texte)

(2) Au soir du dimanche de Pâques, seuls 10 apôtres sont réunis : Simon-Pierre, son frère André, Jacques et Jean les fils de Zébédée, Jacques le fils d'Alphée, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Jude Thaddée et Simon le Zélote. Thomas est absent et Judas Iscariote vient de se pendre. Les 12 apôtres présents à la Pentecôte sont : Simon-Pierre, André, Jacques et son frère Jean, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Jacques fils d'Alphée, Jude Thaddée, Simon le Zélote, Thomas (qui est présent cette fois-ci) et Matthias qui a remplacé Judas. La Pentecôte correspond à la fête juive de Chavouot, célébrée 50 jours après Pessah, et qui commémore la remise des Tables de la Loi à Moïse. Le don du Décalogue intervient 50 jours après la sortie d'Egypte et il est de coutume de rester éveillé toute la première nuit de chavouot pour étudier la Thora. La correspondance entre la libération du peuple élu enfin sorti d'Egypte et la résurrection du Messie pour le salut des hommes d'une part, et entre le don du Décalogue et celui de l'Esprit Saint et des langues d'autre part, n'est pas fortuite. Ce sont deux étapes clés du chemin vers le Salut : lorsqu'il reçut le Décalogue, Moïse dit au peuple : « Ne craignez pas. C'est pour vous mettre à l'épreuve que Dieu est venu, pour que sa crainte vous demeure présente et que vous ne péchiez pas. » (Ex 20 : 20) ; et au soir de sa résurrection, Jésus dit à ses disciples : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d'entre les morts le troisième jour, et qu'en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations. » (Lc 24 : 46-47) (Remonter au texte)

(3) La représentation des dix apôtres n'est pas exceptionnelle : on la retrouve par exemple au tympan de la Cathédrale Saint-Etienne de Cahors. (voir ce tympan) Ce dernier est également plus une représentation de la Résurrection ou apparition du Christ au soir du dimanche de Pâques qu'une "Pentecôte" comme on le répète souvent. Dans sa mandorle le Christ de Cahors porte un Livre : c'est une allusion à l'investiture missionnaire et juridictionnelle (le pouvoir de remettre les fautes) accordée aux apôtres. Perse et Cahors ont en outre en commun de faire partie des bâtiments à coupole d’Aquitaine, caractéristiques de cette école romane, dont Conques est le fleuron. Ici s'ouvre un champ de recherche pour déterminer s'il y a correspondance voire filiation entre les tympans de Perse et de Cahors. (Remonter au texte)

(4) Les auteurs de Rouergue roman avaient souligné -et pour cause ! - l'inhabituelle présence de la lune et du soleil dans une représentation supposée de la Pentecôte ; ils ont même suggéré que ces astres provenaient d'une "contamination (sic) avec la scène de la Crucifixion, qui n'a pas pu trouver place ici" ! (Rouergue roman, collection la nuit des temps 17, Zodiaque, 1963, p. 199. Faut-il rappeler que la fête de Pâques suit un calendrier lunaire (1er dimanche suivant la pleine lune suivant l'équinoxe de printemps), et que le repas rituel juif du Séder de Pessah se pratique de nuit, pour justifier la présence de cet astre sur un tympan de la résurrection ? (remonter au texte)

(5) Les éléments symboliques qui représentent l'effusion de l'Esprit trouvent un écho dans les visions de sainte Hildegarde de Bingen (1098-1181), voisine du prieuré de Sélestat. Dans le Livre des Œuvres Divines, aux chapitres 1 et 2 du sixième livre, Hildegarde décrit "la forme vivante de l'esprit [comme] un vent sorti d'une nuée blanche rayonnante de clarté", comme un "soleil [projetant] un mouvement comme des lampes " ; le "Dieu de justice accomplissant tous ses jugements dans le feu de l'équité [...] se reflétant comme une sorte de miroir sur lequel apparaît une sorte de colombe aux ailes déployées." Nuées, blancheur, soleil, feu, colombe, miroir : le vocabulaire du poète et du sculpteur est identique. (Remonter au texte)

(6) Le lien entre la matière et l’Esprit est suggéré sinon explicite : le geste de Marie posant sa main gauche sur son ventre évoque la conception virginale par l'Esprit et nous renvoie à l’expression d'Hildegarde, abbesse de Bingen, qui lie intrinsèquement les deux natures faisant de Marie « Maria, Mater, Materiæ », matrice du Saint Sauveur. L’originalité de cette expression propre à Hildegarde, complète la théologie classique, qui attribue au Saint-Esprit la vertu « vivifiante ». Au même titre que le mystère de l’Incarnation, la Résurrection, thème fondamental des tympans de Perse et de Cahors, est intimement liée à l'effusion de l'Esprit et confirme ce pouvoir de relier la chair à l’Esprit. (Remonter au texte)

(7) Cette descente aux enfers est évoquée dans le Credo, et par certains évangiles apocryphes. Elle a duré trois jours, de la mise au tombeau à la résurrection et était destinée selon la tradition à manifester le triomphe du fils de Dieu sur la mort, sur Satan et à libérer les Justes retenus jusqu'alors dans le sein d'Abraham (ou Limbes). Le thème de la catabase est fréquent dans les mythologies anciennes : Our-Nammou, Enkidou, Gilgamesh, Hercule, Pollux, Thésée, Orphée, Ulysse, Enée ont entrepris une descente aux enfers. (Remonter au texte)

(8) Le tympan de Perse est placé sur le côté sud de la chapelle. (remonter au texte)

(9) On notera que son nimbe est anguleux dans sa partie inférieure, ce qui suggère l'incarnation humaine, terrestre du Christ. Les auréoles carrées comme celles de sainte Foy et de sainte Marie de Magdala sur le reliquaire d'albâtre de Conques, signifient qu'il s'agit d'une sainteté acquise sur terre. (Remonter au texte)

(10) « 10 Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra. [...] 12 Car nous voyons à présent dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face » (1 Cor. 13, 10 et 12) (Remonter au texte)

(11) Yves Christe cite deux exemples de régurgitation des morts, dont un « plein de vie », dans la représentation du Jugement dernier. Tout d’abord au tympan de la Parousie de Beaulieu, où il se pose la question de l’interprétation de la figure : « Les quatre bêtes du linteau supérieur sont toutes des quadrupèdes. Celles qui sont placées à l’extérieur avalent ou régurgitent un homme, l’un nu, l’autre vêtu. » (Yves Christe, Les Jugements derniers, Zodiaque, p. 184)
Quant à la mosaïque de Torcello près de Venise représentant un Jugement dernier de type byzantin de la fin du XIIe siècle, on y trouve la représentation de la mer restituant ses proies : « Une sorte d’Amphitrite assise sur un monstre marin en forme d’hippocampe […] tient dans sa main un gros poisson de la bouche duquel s’échappe un buste d’homme plein de vie. […] Cette image est toutefois une addition de la fin du XIIe siècle. » (Yves Christe, op. cit. p. 45). D’autres régurgitations des morts existent comme à Saint Basile d’Etampes. (Voir les illustrations) (Remonter au texte)

(12)  « L'un des sérphins  vola vers moi, tenant dans sa main une braise qu'il avait prise avec des pinces sur l'autel. Il m'en toucha la bouche et dit : " Voici, ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché est pardonné." » Is 6 : 6-7  (voir une illustration)(Remonter au texte)

Suite de l'étude du tympan de Perse

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