La régurgitation des Morts
On voit souvent dans l'iconographie médiévale le Léviathan ou des monstres avaler des êtres humains, allégorie pour signifier la chute aux Enfers. Mais il existe parfois le mouvement inverse : les bêtes recrachent les âmes après leur purgation : c'est la régurgitation des morts.
La régurgitation des âmes est en effet un thème lié à la question du salut et des peines provisoires et purificatrices à l'origine du dogme du Purgatoire. On en retrouve plusieurs occurrences dans l'iconographie médiévale. Outre le cas de Perse, nous pouvons citer les exemples de Beaulieu, Etampes, Torcello ou Lévinhac.
Dans ces cas, très souvent, les morts recrachés sont inertes. Pour faire simple, le mouvement des corps progresse toujours en commençant par la tête : les damnés ingurgités sont jetés la tête la première dans la gueule du Léviathan ; lorsque les éprouvés purgés sont recrachés, leurs pieds sont encore dans la gueule du monstre et leur tête, sortie en premier, tombe vers le bas.
Deux bêtes qui avalent ou régurgitent des âmes, selon Yves Christe. Tympan de la Parousie de Beaulieu-sur-Dordogne (XIIe s.). Détail
d'une image wikipedia commons
La régurgitation du portail de Saint-Basile à Etampes (Essonne)
Les âmes recrachées par la bête de l'Apocalypse. Portail de Saint-Basile (1125-1145), Etampes.
La régurgitation de Torcello (lagune de Venise)
Mosaïque du Jugement dernier (XII-XIIIe s.), cathédrale
Santa Maria Assunta (Sainte Marie de l'Assomption) de Torcello (Vénétie). Détail d'une
image wikipedia commons
Mosaïque du Jugement dernier, cathédrale Santa Maria Assunta de Torcello (Vénétie) : les six bêtes infernales recrachent des morts au son des trompes de l'Apocalypse.
La deuxième vision du Livre II du Scivias d'Hildegarde de Bingen est un cas différent et très intéressant, d'une régurgitation d'âmes purifiées par l'Eglise - Mère personnifiée sous les traits d'une femme couronnée. Les âmes, toutes noires, sont absorbées dans le ventre féminin, comme happées par un filet de péche, et ressortent, blanchies par la bouche de la femme, purifiées par l'eau baptismale. (Voir la note de Martine Petrini-Poli sur le site Narthex)
C'est également ainsi que l'on représente Jonas recraché par la baleine, par exemple sur les fresques du monastère Saint-Nicolas Anapausas dans les Météores. |
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A contrario, les damnés ingurgités sont jetés la tête la première dans la gueule de l'enfer. Dans les illustrations ci-dessus des diables accompagnent le mouvement. |
Certaines représentations demeurent toutefois ambigüe : c'est le cas du tympan de Lévinhac (Aveyron) qui pourrait être une régurgitation d'une âme dont la tête est encore dans la gueule du léviathan.
Tympan roman de l'ancien prieuré de Saint-Jean-Baptiste de Lévinhac (commune de Saint-Côme d'Olt) : le corps inerte dans la gueule du monstre ne serait-il pas régurgité ?