Ce philosophe, théologien et grand pédagogue a exercé une profonde influence au XIIe s. notamment au sein de la prestigieuse école de Saint-Victor, sur la Montagne Sainte-Geneviève à Paris, qui précède et annonce les universités du XIIIe s. L'ordre canonial des chanoines de Saint-Victor, (abbaye fondée vers 1108 par Guillaume de Champeaux) fut un important foyer de la "Renaissance romane". Hugues y meurt en 1141, c'est à dire à l'époque où les Bénédictins de Conques -qui ne pouvaient ignorer ses très célèbres travaux- s'apprêtent à ériger le tympan, en s'inspirant très largement des méthodes didactiques du maître d'Abélard. Sa méthodologie didactique se fonde sur les procédés de l'ars memoriæ hérités de l'antiquité : elle recours largement à l'organisation spatiale du discours organisé selon le plan d'une maison (le tympan de Conques en suit le paradigme). Elle étaye le raisonnement sur la connaissance, et accorde une importance capitale à l'organisation temporelle, autrement dit à l'Histoire, exactement comme le tympan est une mmise en scène de l'Histoire du Salut. En fait, cet humaniste avant la lettre rénove toute la réflexion théologique en plaçant la raison, la nature et l’Histoire à la base de la connaissance. Savant encyclopédique, ce "Nouvel Augustin" disait-on, avait comme devise : « Omnia Disce
» (Apprends tout !) Sa pensée, sa méthodologie, sa pédagogie sont
à l’origine de la scolastique et leur rayonnement se
perpétue jusqu’à la fin du Moyen-âge.
Mais c'est aussi un mystique sensible : liant le sens à la
sensation, sa conception de l’esthétique l’amène
à s’opposer à saint Bernard le cistercien iconoclaste. Défenseur de la beauté
de la nature et des sens à qui l’on doit toute notion
artistique et spirituelle, Hugues qui croit à la « descente de l'âme dans les harmonies du corps » (Didascalicon) ne rétorque-t-il pas
au Maître de Clairvaux : « et les caresses sont bonnes ! » ? (ce que ne désavouerait pas un Emmanuel Levinas pour qui la caresse transcende le sensible) (1) (1) Cf. Emmanuel Levinas, Totalité et infini. (2) Charles Camproux, le "joy d'amor" des troubadours. Jeu et joie d'amour, Causse et Castelnau éditeurs, Montpellier, 1965, p. 150. (4) Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Beauchesne. Le tympan de Conques semble opérer la synthèse des écrits théologiques de deux grands maîtres spirituels de Saint-Victor : Hugues (1096 ? - 1141) qui insiste sur le rôle de la Grâce émanant du Père et du Fils d'une part, et Richard, prieur de l'abbaye Saint-Victor (circa 1110 - 1173) qui développe une réflexion sur la Trinité, d'autre part. A Conques, l'Esprit Saint est représenté sous forme d'ondes. Voir la brève synthèse sur la théologie scolastique et monastique de l'abbaye Saint-Victor, dans l'audience de Benoît XVI du 25/11/2009. |
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