La représentation de la Trinité
La conception du tympan de Conques reflète l'influence du rayonnement de l'abbaye
Saint-Victor à Paris qui a considérablement marqué la théologie au
cours du XIIe siècle.
Par exemple Conques accorde un
rôle essentiel au couple du Père et du Fils dans la question du
Salut, conformément à la pensée d'un des théologiens les plus
importants du début du XIIe siècle, Hugues de Saint-Victor (1096 - 1141). Ici, le Christ
occupe la place centrale du tympan et le Père est représenté de façon
symbolique par Sa main tendue dans
l'écoinçon de sainte Foy.
Mais, en
observant attentivement le tympan, on peut se rendre compte de la
présence discrète, mais efficiente de l'Esprit Saint. A Conques, le Saint-Esprit
n'est pas représenté par une colombe ou par des langues de feu, mais
par des ondes. (1)
Celles-ci
sont tantôt horizontales, tantôt verticales. Les premières émanent du
Père et se propagent verticalement du plus haut des cieux, encadrent la
Croix glorieuse et baignent le cortège des élus et des anges. Les
secondes rayonnent du Fils, de part et d'autre de la mandorle. Ainsi
l'Esprit procède du Père et du Fils, conformément à la doctrine
catholique. Notons au passage que les ondes des deux rangées
extérieures situées de part et d'autre de la mandorle sont trilobées,
un indice supplémentaire pour symboliser la Trinité.
Ne pourrait-on pas déceler dans la présence des ondes
une inflence de l'autre grand théologien victorin, Richard de
Saint-Victor (1110 - 1173) qui enrichit les principes théologiques de
son maître Hugues en introduisant le rôle décisif du Saint-Esprit ? (lire la suite)
Dieu le Père, suggéré par Sa main |
![]() Son Fils, Jésus Christ |
![]() Les ondes divines émanant du Ciel : une évocation de l'Esprit Saint |
![]() Les ondes christiques : une autre manifestation de l'Esprit Saint. Les ondes extérieures sont trilobées. |
L'audience
générale accordée par Benoît XVI le 25 novembre 2009 était consacrée
précisément aux philosophes et théologiens victorins, Hugues et
Richard. Le pape souligne l'importance donnée par Richard au sens
allégorique des Ecritures et à la dimension contemplative. Il
synthétise ensuite l'oeuvre fondamentale de Richard, abbé de
Saint-Victor entre 1162 et 1173, "De Trinitate"
en insistant sur la nécessité de parfaire la relation d'amour entre le
Père et le Fils par la présence éternelle d'une troisième personne, le
Saint-Esprit. Le pape illustre son propos par une image qu'il
emprunte à Richard et qui trouve son excate traduction graphique au
tympan de Conques :
"Richard est toutefois
conscient que l'amour, bien qu'il nous révèle l'essence de Dieu, qu'il nous
fasse "comprendre" l'essence de Dieu, n'est pourtant jamais qu'une
analogie pour parler d'un Mystère qui dépasse l'esprit humain, et, en poète et
mystique qu'il est, il a recours aussi à d'autres images. C'est ainsi, par
exemple, qu'il compare la divinité à un fleuve, à une vague d'amour qui jaillit
du Père, flue et reflue dans le Fils, pour être bienheureusement diffusée dans
l'Esprit Saint."(2)
C'est en effet sous la forme d'un flux d'ondes qu'à Conques
l'Esprit Saint semble baigner les personnages du tympan.
Ce détail pourrait-il constituer un indice en faveur d'une datation tardive de l'érection du tympan, dans le dernier tiers du XIIe s. ?
Lire également dans la rubrique consacrée aux Gestes le paragraphe sur le geste de la Trinité.
(1) Les ondes divines par leur forme et leur nom évoquent l'eau baptismale, l'eau purificatrice, référence que l'on trouve dans les Ecritures, par exemple : "Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai". Ez 36 : 25-26. (remonter)
(2) Actes du Pape Benoît XVI, Hugues et Richard de Saint-Victor, Audience
générale du 25 novembre 2009, (lire en ligne)