Le tympan de Conques, reflet de la théologie paulinienne
La juste interprétation de l'iconographie ne saurait être décorrelée du projet ecclesiastique pastoral qui l'a créée. Le maître sculpteur du tympan connaissait parfaitement les Ecritures. Son œuvre est si riche, si cohérente, si conforme à l’esprit des écritures sacrées que l’on peut y trouver maintes références à plusieurs textes, au point que l’on pourrait croire –ce qui est pourrait être bien le cas- que son œuvre est une illustration littérale des textes fondamentaux du christianisme, notamment les épitres de Paul. (On trouvera aussi des références à celles de Pierre : voir cette rubrique). LE SALUT PAR LA GRÂCE Paul le redit aux Ephésiens : Il le redit encore à Tite : De quoi est-il question ? |
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Le geste du Christ pantocrator est fondamental : recueillant les grâces du Père de sa main droite haut levée, le Christ les déverse de sa main gauche baissée, paume ouverte, sur les éprouvés du Tartare, et les restaure. « Réveille-toi, ô toi qui dors, et ressuscite d’entre les morts, et sur toi luira le Christ. » (Éph 5 : 14) Alors, l’homme gracié s’éveille, se redresse sur un lit de flammes qui ne consument pas, mais éclairent les ténèbres du feu métaphorique du Jugement. Il est justifié* par la grâce du Seigneur, restauré dans sa pureté pré-adamique. Cet homme, qui était mort, et que de nombreux contemporains croient jetés aux enfers pour l'éternité, revit sous nos yeux. Ce n'est pas une âme damnée pour l’éternité aux enfers, ce n’est pas davantage le « paresseux » que d'aucuns voudraient voir puni ad vitam aeternam ; non, il ressuscite à la Vérité, à la justice, à la lumière et à l’amour du Christ. Il illustre parfaitement l’affirmation de saint Paul : « Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par la suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ. C’est par la grâce que vous êtes sauvés ! » (Éph 2 : 4-5) C'est précisément ce pourquoi Jésus (dont le nom même signifie "Dieu sauve") est venu sur terre, pour la rédemption de l'humanité. |
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Bien sûr à l'époque romane la question de savoir s'il est nécessaire ou non de suivre la loi mosaïque pour obtenir le salut, notamment la question de la circoncision,
ne se pose plus. Mais ce qui préoccupe toujours et les fidèles et l'Eglise, c'est le salut des pécheurs. Les Bénédictins de Conques résumeront le débat sotériologique ainsi : « la foi sauve ». |
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Le Diable |
TEXTE & INTERTEXTE
Le texte des inscriptions et les sculptures des Tartares semblent être une référence explicite à la première épître aux Corinthiens : « Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces, n'hériterons du Royaume de Dieu » (1Co 6 : 9-10). Deux vers léonins les résument : « Fures mendaces falsi cupidique rapaces sic sunt damnati cunati simul et scelerati » (C'est ainsi que sont tous concernés : les voleurs, les menteurs, les trompeurs et les rapaces cupides, comme les criminels) ; tandis que les scènes historiées représentent un couple adultère, un sodomite (le chasseur "forban" embroché par le lièvre), des hérétiques, un avare, un médiseur, un usurier... Ils sont tous là.
Mais alors, serait-ce à dire qu'ils seront tous condamnés à l'enfer pour l'éternité, comme le disent beaucoup de commentateurs ? He bien non ! il suffit juste de lire le verset suivant de Paul : « Et cela, vous l'étiez bien, quelques uns [voleurs, menteurs, débauchés, etc.]. Mais vous vous êtes lavés ; mais vous avez été sanctifiés ; mais vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l'Esprit de notre Dieu. » (1Co 6 : 11).
De façon encore plus subtile, les vides scemment ménagés dans le tympan par l'interruption d'un linteau ou le retrait d'une clé de voûte (voir le § sur les passages)
pourrait être une illustration de cette première épître aux Corinthiens. (1)
Conclusion : là où le péché abonde, la grâce surabonde
L’interprétation paulinienne du Salut par la grâce et par la foi corrobore les deux dédicaces de la basilique : en premier, au Saint-Sauveur, et en second à sainte Foy.
L’inscription proclame Jésus Rex, Judex : Roi et Juge !
Mais c'est un roi qui gracie, un juge qui justifie le pécheur qui a la foi. Dans son épître aux Romains, Paul écrit : « la loi est intervenue pour faire abonder la faute ; mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » (Rm 5 : 20)
Le ciseau d’un artiste génial de l’époque romane est capable d’amener le commun des mortels d’aujourd’hui à contempler avec les yeux de l’esprit et du cœur le mystère du Salut, cette « insondable richesse du Christ » (Ép. 3 : 8) (2) Retour
(1) « Ce qu'il y a de faible dans le monde, voila ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; [...] ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est. » (1 Cor 1 ; 27-28)
(2) Cité par Benoit XVI in Saint Paul, chapitre XVIII : La vision théologique des Lettres aux Colossiens et aux Ephésiens, La Documentation Catholique, Bayard, 2009. (consulter le texte en ligne sur le site du Vatican audience générale du 14 janvier 2009)