Les reliques de sainte Foy au Trésor de Conques

Les reliques de sainte Foy, jeune vierge originaire de la ville d'Agen, brûlée puis décapitée pour avoir refusé de renier sa foi en 303, arrivèrent furtivement à Conques au IXe siècle. Cette translation s'explique par le larcin d'un moine conquois, Ariviscus, qui les soustrayait ainsi à la menace des pillages normands, vers 866. Leur présence est un élément captital de la notoriété de l'abbaye rouergate et les ateliers d'orfèvrerie romane ont créé de véritables chefs d'œuvre pour les abriter, les exposer et les vénérer. La plupart sont encore visibles au trésor ecclésiastique de Conques. Pour comprendre la ferveur médiévale du culte des reliques, il faut rappeler la croyance qui leur attribue un pouvoir de protection : elles attirent les fidèles en pélerinage, voire les incitent à s'installer à proximité (1). D'où la quête frénétique des abbayes et paroisses pour se procurer des reliques. Leur commerce est proscrit : on obtient les reliques par don, par contact d'un substitut avec la relique originelle, par achat auprès d'un infidèle ou par vol. Le déplacement de tout ou partie du corps d'un défunt étant également interdit, le déplacement des reliques ne s'opère bien souvent que par translation miraculeuse, comme ce fut le cas d'Agen vers Conques.

LA MAJESTÉ DE SAINTE FOY
En l’an 960, bravant l’interdit biblique et la tradition chrétienne proscrivant toute représentation humaine sculptée, Conques ose, non seulement introduire dans le Temple l’effigie d’une fillette, mais en outre, la couronner d'une couronne de style carolingien et l’introniser selon le rituel du sacre royal ! L’art de la statuaire venait de naître au sein de l’occident chrétien.
La Majesté de sainte Foy est un reliquaire qui contient le crâne de sainte Foy. Cette châsse constitue le témoin le plus représentatif du culte qui propagea la renommée de l’abbaye de l’Europe féodale à l’Amérique du Nouveau Monde au temps des Conquistadores. De nos jours encore, Londres vénère en l’abbaye de Westminster Saint Faith, patronne de la ville.

 

 

 

 

 

 


Majesté de sainte Foy
Majesté de sainte Foy, statue-reliquaire en or, Trésor Ecclésiastique de Conques

Naguère encore, sainte Foy était revêtue sur cette châsse d'un "amict", ou dorsal, vêtement liturgique dont le prêtre recouvrait à l'époque ses épaules pour célébrer l'Eucharistie. « Jusqu'au XIIe siècle, le prêtre officiant s'en voilait la tête avant de monter à l'autel » (Article amict, Dictionnaire Larousse, sous la direction de Claude Augé). Ce signe faisait bien entendu référence à l'ordination céleste de la jeune martyre. Retirée de la statue en 1951, cette pièce rectangulaire d'argent doré et ciselé, est exposée de nos jours au Trésor sous le terme "d'antependium", c'est à dire "devant d'autel". Il représente un Christ en majesté, imberbe, les yeux ouverts, encadré par deux personnages dont on distingue les mains en signe de foi, le tout dans un style archaïque, dans lequel les auteurs du "Rouergue Roman" (Editions Zodiaque, 1963, p. 125) voient l'origine du premier style roman orfévré.

Feu André Grabar, professeur d'archéologie byzantine au Collège de France, explique dans sa communication sur les trônes des martyrs (2) que « le trône dans lequel la Majesté [de sainte Foy] est assise, se rattache à une tradition culturelle qui attribuait au martyr "la Présidence" de la cérémonie eucharistique ». (3) A l'origine, sainte Foy en Majesté trônait à l'intérieur du chœur, visible de tous, derrière ses grilles.

L'antependium

Amict de sainte Foy (antependium)
Le vêtement (4) d'un saint est une relique digne du "culte de dulie". (5)

La puissance de la relique est telle que les seigneurs belliqueux de l'an Mil convoqués au Commun de Paix par sainte Foy se soumettent à la trêve et à la paix de Dieu. Un siècle plus tard, le prestige de sainte Foy incite le pape Pascal II à placer sainte Foy à égalité avec les apôtres au canon de la messe par la célèbre bulle de l'an 1100 conservée à Rodez.
Par quel miracle une statue aussi prestigieuse au masque d’or, parée de la vertu magique des pierres (cristal de roche, lapis-lazuli, améthyste, émeraude et rubis), de dons princiers d’entailles et de camées, a-t-elle pu échapper à la convoitise des pilleurs et aux tribulations de l’histoire ? Routiers incendiaires de la guerre de cent ans, contribution forcée sous François 1er, Religionnaires iconoclastes des guerres de religion, autodafé des Sans-culottes, sécularisation, ignorance aux temps dits « modernes », la relique a miraculeusement triomphé de toutes les avanies.
Le miracle réside aussi dans la conjonction d’un nom, Fides (Foi) et d’une œuvre d’art sacrée. Autrement dit l’union du sens et de la sensation, de l’esprit et de la matière, de la mystique et de l’esthétique. Plus que jamais à l’heure de l’image cathodique, nous sommes à même de comprendre l’émerveillement de l’âme qu’a pu entrainer au Moyen-âge la vue d’une statue reliquaire parée des artifices de l’art somptuaire.
Le miracle de sainte Foy réside dans l’insécable unité du reliquaire et de la relique qui lie l’éblouissement de la contemplation à l’âme même de la personne vénérée, ainsi qu’au message spirituel qu’implique le nom de « Foi ».
Témoin d’un culte populaire et local devenu universel, la statue de la Majesté de sainte Foy unit dans un symbole tout ce que l’Histoire, l’anthropologie et la mystique nous révèlent de l’âme humaine en quête de son salut. Elle le cherche et le trouve dans la foi en la beauté et dans la beauté de la foi au Salut offert par le Christ.
Ce reliquaire est à la relique ce que l’âme du violon est à la sonate d’un Haydn et la jubilation à l’adagio d’un Mozart. Où serait l’esprit sans la lettre ou sans le corps ? Le reliquaire tient à la relique comme la peau au corps. La statue reliquaire de la Majesté de sainte Foy de l’abbaye de Conques n’est pas une pièce de musée, mais un objet de culte du Trésor Ecclésiastique de la basilique du Saint-Sauveur et de Sainte-Foy, au sens même de la loi de 1905.

 


Email de sainte Foy, avec son nimbe carré, signe d'une sainteté terrestre (autel portatif)

Châsse de sainte Foy en Majesté
Châsse de sainte Foy

Voir aussi les cultes jumelés de sainte Foy et de Marie de Magdala à Conques, le sacerdoce de sainte Foy, les suffrages de sainte Foy et le reliquaire de Pascal II.

 

 

 

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(1) Ainsi au Moyen Age, Conques n'était pas le village actuel, mais une véritable ville. (remonter)

(2) André Grabar, Le trône des martyrs, Cahiers archéologiques, 1952, p. 31-41. (remonter)

(3) Marcel Deyres, Les grilles de Sainte-Foy de Conques, mélanges des Cahiers de civilisation médiévale, Centre d'Études Supérieures de Civilisation Médiévale, 1972, vol. 15, p. 148. (remonter)

(4) De nombreux habits sont considérés comme relique : c'est ainsi par exemple qu'en la cathédrale de Sens, on vénère l'amict de saint Thomas Becket. Conques, par ailleurs, vouait un culte particulier à ce saint britannique, martyr du pouvoir politique, tout comme sainte Foy : en témoignent l'église paroissiale de Conques, aujourd'hui disparue dont il était le saint patron et la statue du XVIIe siècle qui figure au mur du transept nord de la basilique. (remonter)

(5) Le vêtement d'un saint est une relique digne du "culte de dulie". Le culte de dulie, réservé à la vénération des saints, se différencie du culte d'adoration de Dieu, dit "culte de latrie".
Sainte Foy est vénérée et représentée à plusieurs reprises à Conques : deux fois au tympan, une autre fois au-dessus de l'enfeu de Bégon (niche funéraire du célèbre abbé située sur le mur extérieur sud, surmontée d'un bas-relief représentant le couronnement de la fillette martyre) ; sur le chapiteau qui relate son arrestation et sa comparution devant Dacien ; sur la fresque de la sacristie (XVe s.) ; sur les stalles du chœur (XVIIe) ; sur les tapisseries (XVIIe) exposées l'été dans le chœur ; sur l'autel baroque de la chapelle qui lui est consacrée ; et enfin bien sûr au Trésor, avec en particulier lachâssede la sainte en Majesté exposée dans le chœur le 6 octobre, jour de sa fête. (remonter)

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