Les reliques de sainte Foy au Trésor de Conques
Les reliques de sainte Foy, jeune vierge originaire de la ville d'Agen, brûlée puis décapitée pour avoir refusé de renier sa foi en 303, arrivèrent furtivement à Conques au IXe siècle. Cette translation s'explique par le larcin d'un moine conquois, Ariviscus, qui les soustrayait ainsi à la menace des pillages normands, vers 866. Leur présence est un élément captital de la notoriété de l'abbaye rouergate et les ateliers d'orfèvrerie romane ont créé de véritables chefs d'œuvre pour les abriter, les exposer et les vénérer. La plupart sont encore visibles au trésor ecclésiastique de Conques. Pour comprendre la ferveur médiévale du culte des reliques, il faut rappeler la croyance qui leur attribue un pouvoir de protection : elles attirent les fidèles en pélerinage, voire les incitent à s'installer à proximité (1). D'où la quête frénétique des abbayes et paroisses pour se procurer des reliques. Leur commerce est proscrit : on obtient les reliques par don, par contact d'un substitut avec la relique originelle, par achat auprès d'un infidèle ou par vol. Le déplacement de tout ou partie du corps d'un défunt étant également interdit, le déplacement des reliques ne s'opère bien souvent que par translation miraculeuse, comme ce fut le cas d'Agen vers Conques.
LA
MAJESTÉ DE SAINTE FOY
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![]() Majesté de sainte Foy, statue-reliquaire en or, Trésor Ecclésiastique de Conques |
Naguère encore, sainte Foy était revêtue sur cette châsse d'un "amict", ou dorsal, vêtement liturgique dont le prêtre recouvrait à l'époque ses épaules pour célébrer l'Eucharistie. « Jusqu'au XIIe siècle, le prêtre officiant s'en voilait la tête avant de monter à l'autel » (Article amict, Dictionnaire Larousse, sous la direction de Claude Augé). Ce signe faisait bien entendu référence à l'ordination céleste de la jeune martyre. Retirée de la statue en 1951, cette pièce rectangulaire d'argent doré et ciselé, est exposée de nos jours au Trésor sous le terme "d'antependium", c'est à dire "devant d'autel". Il représente un Christ en majesté, imberbe, les yeux ouverts, encadré par deux personnages dont on distingue les mains en signe de foi, le tout dans un style archaïque, dans lequel les auteurs du "Rouergue Roman" (Editions Zodiaque, 1963, p. 125) voient l'origine du premier style roman orfévré. Feu André Grabar, professeur d'archéologie byzantine au Collège de France, explique dans sa communication sur les trônes des martyrs (2) que « le trône dans lequel la Majesté [de sainte Foy] est assise, se rattache à une tradition culturelle qui attribuait au martyr "la Présidence" de la cérémonie eucharistique ». (3) A l'origine, sainte Foy en Majesté trônait à l'intérieur du chœur, visible de tous, derrière ses grilles. |
![]() Amict de sainte Foy (antependium) |
La puissance de la relique
est telle que les seigneurs belliqueux de l'an
Mil convoqués au Commun de Paix par sainte Foy se
soumettent à la trêve et à la paix de Dieu.
Un siècle plus tard, le prestige de sainte Foy incite le
pape Pascal II à placer sainte Foy à égalité
avec les apôtres au canon de la messe par
la célèbre bulle de l'an 1100 conservée à
Rodez.
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![]() Châsse de sainte Foy |
Voir aussi les cultes jumelés de sainte Foy et de Marie de Magdala à Conques, le sacerdoce de sainte Foy, les suffrages de sainte Foy et le reliquaire de Pascal II. |
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(1) Ainsi au Moyen Age, Conques n'était pas le village actuel, mais une véritable ville. (remonter)
(2) André Grabar, Le trône des martyrs, Cahiers archéologiques, 1952, p. 31-41. (remonter)
(3) Marcel Deyres, Les grilles de Sainte-Foy de Conques, mélanges des Cahiers de civilisation médiévale, Centre d'Études Supérieures de Civilisation Médiévale, 1972, vol. 15, p. 148. (remonter)
(4) De nombreux habits sont considérés comme relique : c'est ainsi par exemple qu'en la cathédrale de Sens, on vénère l'amict de saint Thomas Becket. Conques, par ailleurs, vouait un culte particulier à ce saint britannique, martyr du pouvoir politique, tout comme sainte Foy : en témoignent l'église paroissiale de Conques, aujourd'hui disparue dont il était le saint patron et la statue du XVIIe siècle qui figure au mur du transept nord de la basilique. (remonter)
(5) Le
vêtement d'un saint est une relique digne du "culte
de dulie". Le culte de dulie,
réservé à la vénération des saints,
se différencie du culte d'adoration de Dieu, dit "culte
de latrie".
Sainte Foy est vénérée
et représentée à plusieurs reprises à Conques
: deux fois au tympan, une autre fois au-dessus de l'enfeu de Bégon
(niche funéraire du célèbre abbé située
sur le mur extérieur sud, surmontée d'un bas-relief représentant
le couronnement de la fillette martyre) ; sur le chapiteau qui relate son arrestation
et sa comparution devant Dacien ; sur la fresque de la sacristie (XVe s.) ; sur les stalles du chœur (XVIIe) ; sur les tapisseries (XVIIe) exposées l'été dans le chœur
; sur l'autel baroque de la chapelle qui lui est consacrée ; et
enfin bien sûr au Trésor, avec en particulier lachâssede
la sainte en Majesté exposée dans le chœur le 6 octobre,
jour de sa fête. (remonter)